Dans les départements, les IEN, sur consigne des IA-DASEN représentants du ministre, contactent les écoles pour tenter de leur imposer des « évaluations d’école »… D’où viennent les évaluations d’école ? En quoi consistent-elles ? Quels en sont les dangers ? Sont-elles obligatoires ?
Le SNUDIFO a décidé de publier un article spécial de manière à alerter tous les personnels sur les dangers de ces évaluations d’école, à les inviter de ne pas les mettre en oeuvre et à préparer le mobilisation collective pour obtenir leur abandon !
Un dispositif issu de la loi Blanquer
L ’article 40 de la loi Blanquer (dite « pour une école de la confiance ») a institué un « conseil d’évaluation de l’école » .
Celui-ci a notamment pour rôle de définir « les outils des auto‐évaluations et des évaluations des établissements conduites par le ministère chargé de l’Education nationale » et de formuler « toute recommandation utile au regard des résultats des évaluations mentionnées au présent article »
Ce conseil d’évaluation de l’école préconise donc la mise en œuvre d’évaluations d’école : chaque école devrait être évaluée tous les cinq ans (soit 20% des écoles évaluées chaque année), par le biais d’une autoévaluation et d’une évaluation externe.
Une autoévaluation s’apparentant à une autoflagellation
Le conseil d’évaluation de l’école désigne les personnes mobilisées dans le cadre de l’auto-évaluation : » le directeur, les personnels de l’Éducation nationale et de la collectivité, les élèves, les parents, les partenaires.» Il est même indiqué que « l’inclusion du temps périscolaire le directeur, les personnels de dans le champ de l’évaluation relève du choix du maire. » Les maires seront donc sollicités pour participer à l’autoévaluation, celleci étant codirigée par le directeur d’école et le directeur du périscolaire si accord des élus. Le PEDT servira le cas échéant de point d’appui pour l’évaluation.
A Paris, par exemple, l’autoévaluation a pris la forme d’un questionnaire aux enseignants, aux agents d’entretien, aux animateurs, aux parents et aux élèves. Ces derniers sont interrogés sur l’intérêt des cours suivis, leur utilité, l’ambiance dans la classe, le soutien apporté par les enseignants…
L’autoévaluation devrait couvrir quatre grands domaines :
« ‐ les apprentissages et le suivi des élèves, l’enseignement ;
‐ le bien‐être de l’élève et le climat scolaire ;
‐ les acteurs et le fonctionnement de l’école ;
‐ l’école dans son environnement institutionnel et partenarial. »
Ainsi, au moment où le ministre crée le chaos en fermant des classes et des postes dans les écoles et les établissements spécialisés, en n’assurant plus le remplacement des enseignants absents, en développant l’inclusion systématique, les collègues n’auraient d’autre choix que d’assumer la responsabilité de la situation en s’autoévaluant avec les parents, les élèves voire les élus locaux… Qui pourrait l’acceper ?
Une évaluation externe s’apparentant à un audit
Le conseil d’évaluation de l’école présente ensuite les personnes susceptibles de mener l’évaluation externe (choisies par l’IA-DASEN) : cela peut être des inspecteurs de l’Education nationale, des directeurs d’école, des principaux de collège ou proviseurs de lycée, des inspecteurs du second degré, des cadres administratifs, des conseillers pédagogiques, des enseignants voire des personnels des services à la jeunesse, à l’engagement et aux sports, des élus ou des personnels d’une collectivité territoriale…
Ces braves gens seraient chargés « d’identifier les forces et les faiblesses » de l’école et d’ « explorer les marges de manoeuvre et de progrès. »
L’évaluation externe se composerait notamment d’une visite au sein de l’école et de la rédaction d’un rapport transmis au directeur de l’école, chargé de le présenter en conseil d’école, aux autorités académiques et à la commune.
L’évaluation externe s’apparente donc ni plus ni moins à un audit d’entreprise privée chargé de mettre au pas les personnels de l’école et de renforcer la tutelle des collectivités territoriales. C’est la mise en place d’un « management » cher au président Macron et la remise en cause du statut des personnels qui, jusqu’à présent, n’étaient évalués que par leur supérieur hiérarchique direct, l’IEN de circonscription. Le SNUDIFO refuse la transformation de l’Ecole en entreprise et défendra pied à pied le statut des personnels.
Des évaluations dans la logique de PPCR
Le décret sur le statut des professeurs des écoles, modifié par le décret du 5 mai 2017 * transposant le protocole PPCR dans l’Education nationale, précise que « Tout professeur des écoles bénéficie d’un accompagnement con tinu dans son parcours professionnel. Individuel ou collectif, cet accompagnement répond à une demande des personnels ou à une initiative de l’administration. »
Dans la liste des questions du guide ministériel pour cadrer l’autoévaluation, les personnels sont ainsi appelés à définir « quels sont les besoins en formation ou en accompagnement ». Par ailleurs, le rapport d’évaluation d’école devra détailler les « modalités de suivi et d’accompagnement recommandées, notamment en matière de formation. »
Les évaluations d’école , avec des évaluations externes chargées rappelons-le « d’identifier les forces et les faiblesses » de l’école et d’ « explorer les marges de manoeuvre et de progrès » s’inscrivent donc parfaitement dans le cadre de l’accompagnement PPCR.
D’autant plus que certains items de la grille d’évaluation des rendez-vous de carrière PPCR (« contribuer à l’action de la communauté éducative et coopérer avec les parents d’élèves et les partenaires de l’école / établissement ») témoignent d’une volonté de territorialisation de l’Ecole publique présente au sein des évaluations d’école et dans bon nombre d’autres réformes gouvernementales : quel meilleur moyen de « coopérer avec les parents d’élèves et les partenaires de l’école » que de participer à l’autoévaluation avec eux ?
Le SNUDIFO n’accepte pas ces processus d’accompagnement et d’évaluation permanents et revendique l’abandon du protocole PPCR, des évaluations d’école et de toutes les mesures managériales mises en place par les gouvernements qui se sont succédés.
* FO et CGT ont voté contre ce décret ; la FSU, le SE‐UNSA et le SGEN‐CFDT ont voté pour.
Non à la territorialisation de l’Ecole publique !
Dans le prolongement des différentes réformes mises en oeuvre par les ministres qui se sont succédés (de la loi Peillon instaurant les PEDT à la loi Blanquer), les évaluations d’école ont pour objectif de territorialiser encore plus l’Ecole publique en la soumettant à toutes les pressions locales.
Les élus locaux, les « partenaires » de l’école sont ainsi omniprésents dans les processus d’auto évaluation et d’évaluation externe, dont les rapports doivent ainsi être présentés au conseil d’école. Or, la loi Rilhac confie un pouvoir décisionnaire au conseil d’école, dont le directeur d’école serait chargé d’appliquer les arbitrages.
On voit aisément se dessiner les pressions accrues des élus et parents dans le fonctionnement de l’école, la loi Rilhac permettant aux collectivités et aux représentants d’élèves d’imposer des choix pédagogiques aux équipes enseignantes.
Impossible de ne pas faire le lien avec les déclarations du président Macron lors de sa campagne électorale : « Au niveau national on définit un cahier des charges, des objectifs et des leviers. Et on renvoie au local. La réforme ne sera pas la même dans les quartiers nord de Marseille, à Troyes et dans les Hautes Alpes. On garde des examens nationaux, on a des leviers, des crédits et on donne la liberté aux acteurs locaux. Nos élus y joueront un rôle. »
Le SNUDIFO refuse la territorialisation privatisation de l’Ecole publique : comme il s’est opposé à la réforme des rythmes scolaires, à la mise en place des projets éducatifs de territoire, aux Cités éducatives, à la loi Rilhac, il n’accepte pas la mise en place des évaluations d’école. L’Education doit rester nationale, le statut des enseignants fontionnaires d’Etat doit être respecté !
Les évaluations d’école ne peuvent pas être imposées !
Les évaluations sont préconisées par le conseil d’évaluation de l’école constitué par l’article 40 de la loi Blanquer pour « Une école de la confiance ». Pour autant, ces évaluations revêtent-elles un caractère obligatoire ? La réponse est non !
Les obligations de service des enseignants du 1er degré sont déterminées par le décret n° 2017444 du 29 mars 2017 :
✓ 24 heures d’enseignement hebdomadaire
✓ 108h annualisées dont :
- 48h consacrées aux travaux en équipe pédagogique, aux relations avec les parents et aux PPS ;
- 36h d’activités pédagogiques complémentaires (APC) ;
- 18h de formation continue ;
- 6h de conseils d’école.
Rien dans les obligations de service des enseignants du 1er degré ne peut donc les contraindre à subir une évaluation d’école sous quelque forme que ce soit ! Rien dans les obligations de service des enseignants ne peut leur imposer de mettre en œuvre une « autoévaluation », qui plus est avec les parents, les élèves, les personnels municipaux, les « partenaires » ou les élus locaux !
Rien dans les obligations de service des enseignants ne peut leur imposer de supporter une « évaluation externe » !
Mais tous les moyens et toutes les pressions sont utilisés pour les mettre en place. Ainsi, dans certains départements, des collègues se retrouvent à participer à leur insu à une évaluation d’école, leur IEN leur ayant proposé des remplaçants et une aide pour rédiger le projet d’école sur temps de classe….
Refuser la mise en place d’une évaluation d’école n’est donc pas un acte de désobéissance : c’est simplement faire respecter ses droits, son statut et ses obligations de service. Le SNUDIFO appelle donc les personnels à refuser collectivement de mettre en œuvre les évaluations d’école et à prendre contact avec le syndicat pour faire valoir leur statut !
Le SNUDIFO revendique l’abandon immédiat des évaluations d’école, tout comme il revendique l’abrogation de toutes les mesures visant à territorialiser l’Ecole publique, remettre en cause nos statuts et imposer un management digne du privé dans les écoles : PPCR, projets éducatifs de territoire, loi Rilhac, expérimentation Macron à Marseille…
Le SNUDIFO, qui rappelle qu’aucun texte règlementaire ne peut contraindre les personels à mettre en place les évaluations d’école, appelle les collègues à ne pas les mettre en œuvre.
Le SNUDIFO invite les écoles, et notamment celles qui pourraient être concernées par la mise en place prochaine d’une évaluation d’école, à adopter des motions pour exprimer leur refus, et à les faire connaître.
Le SNUDIFO invite les collègues à participer nombreux aux prochaines réunions syndicales organisées par le syndicat dans leur département de manière à organiser collectivement la résistance !